J’ai envie de vous parler d’un sujet que l’on aborde assez rarement: la pratique du toucher en conscience. Il s’agit du savoir être du praticien du toucher, sa présence ! Pourtant, c’est certainement la base fondamentale qui aide à la réussite d’un traitement.
Je vois régulièrement des demandes de la part des lecteurs et des praticiens concernant les techniques manuelles qui marchent… Malheureusement, une technique manuelle quelle que soit sa “maison d’origine” n’est pas “une recette” ! Il ne suffit pas d’appliquer un mode d’emploi pour obtenir le résultat désiré ! Ce serait trop simple…
Tout au long de cet article je vais parler de la présence et de la conscience du praticien comme étant la base. On va dissocier savoir faire et savoir être pour mieux les associer. Je vous parlerai également de mon approche pour développer cette présence dans les soins. Plus généralement, l’inclure dans notre vie nous aide à mieux se connecter à soi et à l’autre. C’est aussi un moyen d’augmenter son niveau d’énergie.
Les étapes pour développer un toucher en conscience
De la perception de soi à celle de l’autre !
Commençons par se poser une question simple !
Dans ma vie de tous les jours, est ce que je prends le temps de me poser et de faire un “scan” de moi-même ?
Est-ce que je me demande régulièrement au fil des heures: “comment je me sens là, tout de suite, maintenant ?
Bien sûr, il s’agit de se poser cette question dans des situations variées pour avoir des perceptions variées. Le matin au réveil lorsque je suis calme, en plein milieu de la journée, en pleine activité… Et particulièrement quand quelqu’un ou une (il n’y a pas de raison) vient me chatouiller. Ou quand un événement de nature agréable ou stressante me fait bondir ou déclenche en moi une réaction immédiate…
Euh, finalement je me suis peut être emballée ! Et au fait, ai-je pris le temps de faire le tour de moi, des messages et différents signaux que mon corps m’envoie avant de réagir ? Ah zut, trop tard…
Soyons honnête, nous sommes plus souvent en mode réactif qu’en mode écoute de soi avant de réagir, non ?
Prenons un exemple de la vie de tous les jours, enfin presque. Toute ressemblance avec des personnes est évidemment fortuite 😉
Imaginons que vous n’êtes pas d’accord sur l’éducation de votre chien Nestor avec votre mari / femme. Votre conjoint le laisse monter sur le canapé et vous ne souhaitez pas qu’il continue. Votre raison est valable car Nestor a tendance à s’approprier le canapé et grogne si vous souhaitez vous y installer quand cela le dérange !
Votre conjoint pense que vous ne vous faites pas respecter par Nestor et que c’est à vous de régler ce problème. Après tout, c’est avec vous seulement que ce problème se manifeste.
De votre côté, vous êtes furieux(e) car vous vous sentez incompris(e) et votre mari / femme ne vous aide pas pour régler ce différent avec Nestor. En dehors de ce détail tout se passe merveilleusement bien avec lui ou presque ! Enfin, je veux dire tant avec votre conjoint que Nestor…
La suite est simple à deviner… Vous vous disputez et vous vous dites des choses désagréables. Au final, Nestor continue de monter sur le canapé et vous de rester assise sur une chaise 😉
Faisons une pause après la dispute et retournons en arrière…
Avant ce conflit à propos de Nestor, qu’avez-vous ressenti quand il a grogné alors que vous vouliez lui “emprunter” votre canapé ? Puis, ensuite, qu’avez-vous ressenti lors de la discussion / dispute avec votre conjoint.
Prenons quelques instants pour nous imaginer en train de vivre cette situation et observer les effets que cela génère en nous.
Alors ? Recherchons des précisions dans nos ressentis. Un certain nombre de perceptions arrivent à nous à ce moment.
– Des émotions variées face à cette situation (colère, peur, impuissance, tristesse, etc), listez les. Evidemment chacun a sa sensibilité, ses forces et ses faiblesses…
– Des sensations physiques multiples. Certaines sont en relation avec les émotions citées, et d’autres sont plus difficiles à cerner, ou vous ramènent à d’autres situations qui vous ont marqué…
– Prenez le temps d’explorer tout cela, de préciser la façon dont elles se manifestent émotionnellement et physiquement. Et puis de les accueillir sans se juger, telles quelles !
Une fois que vous avez fait le bilan de tous les phénomènes ressentis pour cet incident et que vous êtes revenu au calme, repassez vous le film de ce conflit. Regardez vous réagir à Nestor et à votre mari / femme.
Et maintenant qu’est ce qui a changé ? Avez-vous retrouvé du calme ou certaines choses continuent de vous heurter ?
Et si la même situation se reproduisait et que vous preniez le temps d’être à l’écoute de vos perceptions comme nous venons de le faire… Pensez vous que vous auriez vécu la même scène, que vous auriez réagi de la même manière ? Ou encore que votre positionnement, votre réaction face à Nestor et à votre mari / femme aurait été identique ?
Non certainement pas… Vous savez pourquoi ? C’est simplement parce qu’en prenant le temps d’être à l’écoute de soi, on ralentit le mouvement, on intègre différemment les choses et du coup, on ajuste notre “être” différemment. On n’est plus dans la réaction, on est dans l’être. C’est l’écoute de l’instant présent et de ce qu’il nous apprend sur nous, sur nos besoins…
C’est cela qui fait la différence entre le savoir faire et le savoir être quel que soit le domaine de la vie. Essayez de l’appliquer dans diverse situations et vous verrez que vous apprendrez certainement des choses sur vous…
Vivre en conscience ses perceptions sensorielles pour rencontrer l’autre
Alors, maintenant comment ce serait si j’étais présent à moi-même dans un maximum de situations de la vie ?
Pour commencer, on peut prendre un temps pour voir comment ça se passe actuellement.
Dans quelles situations suis-je conscient, attentif à l’instant présent ? D’ailleurs si je fais le compte, combien puis-je en compter ?
De la même façon, quelles sont les situations où les moments de conscience de soi ne sont pas au rendez-vous ? Vous savez, toutes ces moments où l’on se sent “coupé de soi”. Ces instants de perte de présence à soi qui entame notre énergie et nous sépare de notre être profond…
Bref, Comme l’exemple de Nestor, il y a de grandes chances pour que dans ces moments là, ma relation à l’autre ne soit pas harmonieuse, vu que je ne suis pas en harmonie avec moi-même…
Faisons maintenant un petit retour vers le sujet qui nous intéresse: le toucher, et plus précisément le toucher en conscience !
S’il existe un domaine où la relation à l’autre, la perception de l’autre est essentielle, c’est bien celle-là.
Comment peut on prendre soin de l’autre si l’on n’est pas attentif à ce qu’il ressent à la façon dont il réagit à notre toucher ? Et, être attentif à l’autre passe d’abord par un pré-requis: être attentif et présent à nos propres perceptions.
Cette qualité de toucher ne s’apprend pas uniquement avec la technique. Cela va bien plus loin. Elle est fonction de notre capacité à entrer en relation avec nous même pour entrer en relation avec l’autre. Il s’agit d’un toucher relationnel, empathique dans lequel se crée une résonance entre les deux êtres. C’est ce qui permet le toucher juste, celui qui correspond aux besoins de l’autre.
Ce toucher de relation est différent du toucher technique qui est un geste appris et que l’on peut utiliser dans des situations spécifiques. Il demande des connaissances anatomiques et topographiques pour être précis. En revanche, s’il est pratiqué sans l’aspect relationnel, il ne produira pas les effets thérapeutiques escomptés. Pourquoi ? Simplement car il ne prend pas réellement en compte l’autre, son être, ses besoins.
Ce toucher technique s’apprend dans les écoles avec de longues années d’études. Bizarrement, au cours de ces études, il est très rare de tomber sur un enseignant qui aborde d’un point de vue pédagogique le toucher en conscience, le toucher de relation.
Ce savoir être est sensé s’apprendre avec l’expérience, donc tout seul et avec le temps… C’est à mon sens un des grands problèmes des différentes formations en thérapie manuelle actuelles. C’est ce sujet qui m’intéresse particulièrement et que je cherche à transmettre au mieux avec ce blog, en stage et avec les différents ateliers.
Pour la petit anecdote, il y a de ça quelques années maintenant, j’étais en stage pour apprendre des techniques d’ostéopathie tissulaires structurelles sur un coude. En bonne élève, je cherchais les points de repères anatomiques et la juste mise en main qui allait me permettre de réaliser une super technique de réduction d’un blocage du coude. Mais là, je ne sentais plus rien à propos de ce coude là, précisément.
C’est alors que l’enseignante a perçu mon désarroi et est intervenue pour débloquer la situation avant de débloquer le coude ! Elle m’a simplement dit: “ce n’est pas un coude banal que tu touches, c’est le coude de Nathalie !” Je me rappelle encore aujourd’hui la portée de cette phrase. La situation s’est débloquée instantanément, je n’étais plus dans l’objectif mental de débloquer un coude avec une technique spécifique. J’étais dans l’écoute du coude de Nathalie, et c’est ça qui change tout…
Si ce simple exemple peut vous aider comme un “pense bête” dans votre propre pratique, alors je vous aurais transmis une clé des plus fondamentales !
Pensez y lorsque vous allez voir votre animal avec mon petit guide 😉
Prenez le temps de vos poser pour voir si vous êtes calme et capable d’être en pleine présence avec vous et votre compagnon avant de commencer tout massage. Vous verrez qu’en prenant ce temps, votre relation va gagner en confiance et votre toucher pourra évoluer vers plus de profondeur et de résonance…
Quelles pratiques pour faciliter le toucher en conscience
Alors d’accord tout cela est simple et logique, mais comment fait on pour le mettre en pratique ? Et bien, on s’entraîne, tout simplement, c’est un chemin. Oui je sais, je le répète très très souvent !
Je vais vous parler de mon expérience pour progresser dans votre toucher afin que vous puissiez trouver des idées dans votre propre vécu, où me suivre si cela fait écho en vous.
La méditation
Tout d’abord, j’ai pensé que pour progresser dans la présence de soi, méditer était la voie royale. Alors je ne sais pas pour vous si vous avez essayé, mais comme première approche, ça a été redoutable pour moi ! je me suis fait presque peur. Rester assise sur un pouf, faire le vide dans ma tête, c’était juste impossible ! J’ai dû faire le constat, à mon grand désarroi que dans ma tête, en lieu et place du calme, j’assistais à la “la guerre des étoiles”. Autant dire que la méditation ressemblait plus à une souffrance qu’à un moment où je prenais soin de moi!
Du coup, l’option méditation qui me convenait le mieux, c’était de m’allonger. Mais là, je m’endormais. Ce n’était donc pas une solution !
J’ai donc laissé la méditation de côté pour me tourner vers des pratiques moins statiques.
Plus tard j’ai compris que j’avais besoin de poser mon attention sur des perceptions sensorielles issues de mon corps pour que mon mental hyperactif se calme !
Tai chi chuan, Qi gong, yin yoga et gymnastique sensorielle
C’est là que j’ai rencontré depuis une bonne dizaine d’année dans l’ordre le Tai chi chuan, le Qi gong, le yoga (plus particulièrement dans cette optique le yin yoga), et enfin la gymnastique sensorielle. Chacune de ces pratiques m’a amenée vers davantage de présence à soi et d’ancrage.
Je peux dire aujourd’hui que je continue de pratiquer chacune d’elle selon mon envie et mes besoins, cela fait partie de mon équilibre, je suis même devenue addict avec le temps !
Pour faire simple, le tai chi chuan et la gymnastique sensorielle sont des enchaînements de mouvements qui se font dans la lenteur. La LENTEUR, ça c’est aussi une clé !
Le tai chi est un art martial interne où l’on retrouve le concept de l’énergie selon la culture chinoise.
La gymnastique sensorielle est un peu comme un “tai chi-Qi gong” occidental. C’est une thérapie gestuelle, donc dans le mouvement qui prolonge / complète l’approche de la thérapie manuelle des fascias (fasciathérapie).
La gym sensorielle s’appuie sur la physiologie des fascias et leur mouvement interne. Un mouvement que l’on apprend à sentir en éveillant nos perceptions sensorielles avec des mouvements codifiés.
La force de cette approche est de faire le lien entre le corps et l’émotion. On parle d’accordage somato-psychique car l’émotion est en relation avec le mouvement.
Ainsi, la gymnastique sensorielle a plusieurs cordes à son arc. elle s’utilise pour le développement personnel, l’approche artistique du mouvement, réduire le stress, rééduquer des mouvements dans les cas de douleurs du dos, chroniques, etc… Pour en savoir plus sur cette pratique et ces bienfaits, vous pouvez aller voir ce petit résumé.
Enfin le yin yoga est un yoga aux origines taoistes. Il conjugue à la fois le travail sur les fascias et les méridiens. Il consiste à rester dans des postures yin un laps de temps qui varie de 3 à 10 minutes pour les plus motivés.
L’idée est de solliciter l’étirement et la compression des zones corporelles et des méridiens et du même coup, des chaînes myofasciales. Tout l’art consiste à apprendre à ajuster sa posture de manière à la tenir entre 3 et 5 minutes. On n’est donc pas dans la performance, il faut trouver l’équilibre, le juste milieu si cher aux taoistes. C’est une pratique très éducative par rapport à notre culture occidentale basée sur la réussite. Pour le définir le yin yoga je reprendrai la phrase de ma prof de yoga qui dit que c’est “méditer dans des positions tordues”. Je vous assure que c’est un très bon moyen pour être attentif aux messages du corps et présent à ce que cela véhicule en soi d’un point de vue ressenti émotionnel.
Avec ces approches sensorielles, on recherche le développement de ses perceptions pour favoriser une connexion sensible à soi et à l’autre. Plus nous progressons dans notre sensibilité, plus nous captons d’informations sur notre environnement et les autres êtres vivants.
Et vous quelles pratiques vous ressourcent ?
Je vous parlerai plus en détail de ces différentes approches et de leur mise en pratique plus concrète dans d’autres articles, vidéos et dans ma newsletter réservée aux abonnés…
Si cette manière de voir les choses vous parle, vous pouvez commencer par vous inscrire en bas de cette page pour démarrer la pratique de quelques exercices simples pour vous ancrer et développer votre connexion et votre énergie.
Et si vous n’avez pas vu deux articles du blog sur ce thème de la connexion et la conscience dans le toucher je vous propose deux expériences. La première permet de s’entraîner à ressentir l’énergie dans ses mains. Le deuxième est un exercice favori de la pratique de l’ostéopathie tissulaire.
Sinon, de votre côté avez-vous une activité qui vous permet de faire le vide, de vous recentrer, de méditer, d’être présent à vous même, de prendre soin de vous ? J’ai une copine qui médite en rangeant des vis dans sa boîte à outil, comme quoi…
N’hésitez pas à partager vos expériences dans les commentaires. Chacun ses astuces !